ÉLECTRICITÉ À PRIX NÉGATIF : UN NOUVEAU DÉFI POUR LA FRANCE ET L'EUROPE
- Chapitre 1: Introduction
- Chapitre 2: Prix négatifs en France : de l'exception au phénomène récurrent
- Chapitre 3: Un phénomène européen qui se généralise
- Chapitre 4: Montée des renouvelables, demande atone et inflexibilités : les causes structurelles
- Chapitre 5: Conséquences pour les producteurs, les consommateurs industriels et le marché
- Chapitre 6: Opportunités pour les opérateurs de recharge de véhicules électriques
- Chapitre 7: Perspectives à moyen terme : régulation, stockage et réseaux intelligents
Introduction
L'essor des énergies renouvelables crée des surplus de production qui font chuter les prix de l'électricité, parfois en territoire négatif. Face à cette volatilité, les batteries des véhicules électriques émergent comme une solution de stockage distribuée : elles pourraient absorber les excédents d'énergie verte et la restituer en période de forte demande.
Ce dossier complet sur le phénomène des prix négatifs va analyser les mécanismes à l'œuvre dans l'explosion de ces occurrences en Europe et explorer les solutions de flexibilité émergentes pour stabiliser les marchés électriques.
Prix négatifs en France : de l'exception au phénomène récurrent
Les prix négatifs – ces situations où l’électricité s’échange à un prix inférieur à zéro – sont devenus un phénomène de plus en plus fréquent sur le marché de gros français ces dernières années.
Concrètement, cela signifie que les producteurs doivent payer pour écouler leur production excédentaire, tandis que les consommateurs qui peuvent augmenter leur demande sont rémunérés pour absorber l’électricité en surplus.
Longtemps considérés comme rarissimes, les épisodes de prix négatifs se multiplient désormais, signe des profonds changements à l’œuvre dans le système électrique.
Pour le secteur de l’énergie et de la recharge de véhicules électriques, comprendre l’essor de ce phénomène est essentiel afin d’anticiper ses impacts et identifier les opportunités.
Fréquence des prix négatifs en hausse
Jusqu’au tournant des années 2020, la France ne connaissait que très peu d’heures à prix négatif.
En 2020 – année marquée par la chute de la demande pendant les confinements – on a enregistré 102 heures de prix négatifs, un record historique à l’époque.
Les années suivantes ont vu une relative accalmie (aucune année jusqu’en 2022 n’ayant dépassé ce seuil de 102 heures), avant une recrudescence notable à partir de 2023. Selon les données de la bourse Epex Spot, la France avait déjà atteint 118 heures de prix négatifs sur les dix premiers mois de 2023, dépassant ainsi le pic de 2020.
Prix négatifs : la surproduction solaire bouleverse les marchés
Au total, RTE a comptabilisé 147 heures négatives sur l’année 2023, soit environ 1,7 % du temps –du jamais vu depuis que le marché de l’électricité existe en France.
Fait marquant, ces occurrences se sont concentrées sur la fin du printemps et l’été, en particulier entre midi et 16 h, de mai à septembre, lorsque l’ensoleillement maximal coïncide avec une faible consommation à ces heures creuses.
"Sur l'ensemble de 2024, la barre des 300 heures a été franchie, RTE rapportant environ 359 heures de prix négatifs (près de 4 % de l'année) – soit plus du double de 2023."
Un épisode spectaculaire est survenu le 2 juillet 2023, où le prix horaire français est descendu jusqu’à –134,9 €/MWh (le plus bas depuis 2013) et le prix moyen journalier est resté négatif à –1,2 €/MWh – une situation qui ne s’était pas produite depuis 2020.
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L’année 2024 a accentué cette tendance. Dès le premier semestre 2024, 235 heures à prix négatif ont déjà été enregistrées (5,4 % du temps), soit bien plus qu’au cours de toute l’année précédente. Sur l’ensemble de 2024, la barre des 300 heures a été franchie, RTE rapportant environ 359 heures de prix négatifs (près de 4 % de l’année) – soit plus du double de 2023. En fait, sur le seul deuxième trimestre 2024, l’électricité française s’est échangée à prix négatif plus de 10 % du temps, signe d’une surproduction récurrente aux heures solaires.
Un phénomène européen qui se généralise
Cette explosion des occurrences s’inscrit dans un mouvement européen plus large : l’Allemagne, pionnière en la matière, a connu 301 heures de prix négatifs en 2023 (un record national), et les Pays-Bas environ 316 heures la même année – un bond spectaculaire comparé aux quelques heures à peine enregistrées en 2019.
Le 2 juillet 2023, lors d’une journée estivale exceptionnellement ensoleillée, les marchés couplés ont atteint des extrêmes historiques : le prix spot a chuté jusqu’à –500 €/MWh aux Pays-Bas et en Allemagne sur certaines heures, le plancher technique du marché européen.
L'impasse des marchés couplés bride les exportations
Ces pays très intégrés aux échanges transfrontaliers possèdent un mix fortement renouvelable. Les Pays-Bas ont porté la part du solaire et de l’éolien de 8 % de leur électricité en 2015 à 40 % en 2023.
Lorsque la production renouvelable excède largement la demande locale et que les capacités d’exportation sont saturées, les excédents provoquent ces chutes brutales de prix, avec parfois des séquences prolongées.
Les Pays-Bas ont porté la part du solaire et de l’éolien de 8 % de leur électricité en 2015 à 40 % en 2023.
En Allemagne, 36 heures consécutives de prix négatifs ont ainsi été relevées du 24 au 25 décembre 2023, profitant du creux de consommation des fêtes de fin d’année.
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Montée des renouvelables, demande atone et inflexibilités : les causes structurelles
Les prix négatifs trouvent leur origine dans un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande d’électricité à certaines périodes. D’une part, la France et ses voisins déploient massivement des capacités éoliennes et photovoltaïques dont la production est intermittente et difficile à prévoir précisément.
Ces sources injectent de l’électricité lorsque les conditions météo sont favorables (vent, soleil), souvent sans correspondre aux moments de forte consommation.
Par ailleurs, les règles de marché et de dispatching donnent la priorité aux renouvelables sur le réseau (coût marginal nul et subventions obligent).
D’autre part, la demande d’électricité tend à diminuer à certains moments (effets saisonniers, week-ends, nuits, voire tendance baissière structurelle liée aux gains d’efficacité).
Quand la consommation s’effondre et la production solaire culmine
Le creux de la mi-journée en été, lorsque l’activité industrielle est modérée et que la climatisation reste encore limitée en France, illustre cette faible absorption au moment où la production solaire, elle, culmine. Cet étalement creux de la consommation, particulièrement marqué le week-end (environ 5,3 GW de demande en moins en moyenne par rapport aux jours ouvrés), exacerbe le risque de surplus sur le réseau dès que les renouvelables produisent fort.
Face à cette surabondance ponctuelle d’offre, la flexibilité de la production conventionnelle atteint ses limites.
Coûts cachés de l’arrêt des centrales : quand produire revient moins cher que s’arrêter
De nombreuses centrales nucléaires ou thermiques ne peuvent ajuster instantanément leur puissance ou s’arrêter pour seulement quelques heures sans coûts importants. Arrêter puis redémarrer un réacteur nucléaire ou une turbine à gaz engendre des coûts et des contraintes techniques tels que certains producteurs préfèrent continuer de produire à perte plutôt que de stopper puis relancer leur installation.
Ils acceptent donc de payer pour injecter leur électricité excédentaire sur le réseau, entraînant des prix négatifs, car cette perte ponctuelle leur coûte moins cher qu’une mise à l’arrêt suivie d’un redémarrage.

Quand les aides aux renouvelables encouragent la surproduction
De plus, les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables peuvent involontairement encourager la poursuite de la production même en cas de prix négatifs.
Par exemple, dans le cadre de contrats d’obligation d’achat ou de compléments de rémunération, un producteur éolien ou solaire subventionné continue de percevoir un tarif garanti ou une prime, ce qui l’incite à produire même si le marché spot est en dessous de zéro.
Prix négatifs et gaspillage : une perte pour la collectivité
Ces conditions font que l’optimisation économique du parc n’est pas toujours atteinte : comme le souligne la Commission de régulation de l’énergie (CRE), certaines occurrences de prix négatifs « ne sont pas le reflet de l’optimisation économique de tous les moyens de production, de consommation et de flexibilité », ce qui engendre « une perte économique pour la collectivité » lorsqu’on doit brader ou gaspiller de l’énergie disponible.
En résumé, trois facteurs structurels se conjuguent pour expliquer l’essor des prix négatifs :
- la montée en puissance des renouvelables intermittents, qui accroît la probabilité de surproduction à certaines heures
- la demande insuffisante ou inadaptée à ces moments (par exemple en milieu de journée l’été ou lors des week-ends prolongés)
- la rigidité d’une partie du parc conventionnel (nucléaire, charbon, gaz) peu enclin à moduler sa production rapidement.
Quand exporter ne suffit plus : l’Europe face aux excédents simultanés
À cela s’ajoutent des contraintes d’exportation : même si le couplage des marchés européens permet d’ordinaire de répartir les surplus entre pays, il arrive que tous les voisins soient eux-mêmes en excédent simultané (cas d’une vague massive de vent ou de soleil à l’échelle régionale), saturant les capacités d’échange.
Le 2 juillet 2023 en offre un exemple parlant : ce jour-là, une production solaire exceptionnellement élevée dans plusieurs pays d’Europe a conduit à des prix négatifs généralisés, aucune zone de marché ne pouvant absorber les surplus des autres.
Quand le stockage fait défaut
Enfin, l’absence de stockage suffisant joue un rôle de fond : faute de pouvoir stocker facilement l’électricité en surplus (batteries, stations de pompage turbinage, etc.), le système doit trouver preneur instantanément, quitte à faire plonger les prix. Tant que l’on ne disposera pas d’une flexibilité offerte par le stockage ou la modulation de la demande à grande échelle, de tels déséquilibres ponctuels continueront de se traduire par des prix plancher sur le marché spot.
Conséquences pour les producteurs, les consommateurs industriels et le marché
Quand les prix deviennent négatifs, les effets économiques se répartissent inégalement entre les acteurs de la filière électrique.
Le coût des prix négatifs pour les producteurs d’électricité
Du côté des producteurs, ces épisodes sont synonymes de manque à gagner et de coûts additionnels. Les exploitants contraints de vendre leur électricité à prix négatif subissent une perte nette sur ces transactions. En France, RTE estime qu’au premier semestre 2024, les heures négatives ont entraîné environ 80 millions d’euros de pertes pour le parc de production national, touchant en premier lieu le nucléaire (majoritaire dans le mix) et l’hydroélectricité.
Autrement dit, les centrales pilotables qui ne peuvent pas s’arrêter sans frais ont continué de tourner à vide, en « payant » le réseau pour évacuer leur production. Ces pertes rognent la rentabilité des installations et peuvent, à terme, décourager l’investissement dans des moyens de production de back-up si le phénomène devait s’amplifier sans correctifs.
L’impact des prix négatifs sur le soutien aux énergies renouvelables
Pour les producteurs d’énergies renouvelables sous contrat d’achat garanti, les effets sont plus ambivalents : ils sont en principe protégés des fluctuations de prix, mais leur production rémunérée malgré un prix spot négatif représente alors un coût pour la collectivité.
En France, l’État a dû compenser environ 15 millions d’euros aux acheteurs obligés (fournisseurs assurant l’obligation d’achat) sur le seul premier semestre 2024, pour éponger les pertes liées à des ventes à prix négatif d’électricité subventionnée. Conscient de cette aberration, le régulateur entend réviser ces mécanismes (nous y reviendrons) afin d’éviter de payer des producteurs pour qu’ils génèrent de l’électricité dont personne n’a besoin.
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Une aubaine pour les industriels flexibles
Pour les consommateurs industriels au contraire, les prix négatifs peuvent constituer une aubaine – du moins pour ceux capables d’adapter leur consommation en temps réel. Lorsqu’un chimiste, un sidérurgiste ou un data center dispose de flexibilité dans ses processus, il a tout intérêt à accroître sa demande aux heures où l’électricité est gratuite ou négative, car il sera alors rémunéré pour consommer davantage.
Certaines entreprises énergivores en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique ont déjà tiré parti de ces situations en planifiant des surconsommations opportunistes (par exemple produire de l’hydrogène vert ou augmenter la production d’un électrolyseur lors des creux de prix).
En France, ce réflexe reste encore limité par le faible nombre de contrats indexés en temps réel pour les industriels, mais on observe un intérêt grandissant pour des solutions d’effacement ou de pilotage de la demande.
Pour les gros clients connectés aux marchés de gros, un épisode de prix négatif se traduit littéralement par un « revenu » énergétique : l’opérateur du marché le paie pour chaque MWh consommé durant cette fenêtre. Toutefois, ces épisodes étant ponctuels et de durée limitée, l’impact global sur la facture annuelle d’un industriel demeure marginal s’il ne s’organise pas pour en profiter systématiquement.
"Pour les clients industriels connectés aux marchés de gros, un épisode de prix négatif se traduit littéralement par un « revenu » énergétique."
À l’échelle du marché électrique dans son ensemble, la multiplication des prix négatifs révèle plusieurs défis. Elle fait baisser la moyenne des prix de gros sur les périodes creuses, ce qui peut sembler bénéfique pour les consommateurs in fine, mais elle accroît aussi la volatilité et l’incertitude pour tous les acteurs.
Un marché de l’énergie où 5 à 10 % du temps les prix sont nuls ou négatifs et, à d’autres moments, très élevés (par exemple lors des pointes hivernales) complexifie la gestion des risques pour les producteurs comme pour les fournisseurs.
Ces derniers doivent naviguer entre des phases de surabondance (où l’électricité n’a virtuellement plus de valeur) et des phases de tension (où elle devient très onéreuse), en garantissant malgré tout une fourniture stable à leurs clients finaux.
Gaspillage à grande échelle : repenser la gestion de l’électricité bas-carbone
La perte économique pour le système que constituent ces épisodes est non négligeable. L’électricité surproduite puis « bradée » à –50 ou –100 €/MWh représente un gaspillage de ressources : les coûts fixes des installations (entretien, amortissement) continuent de courir, sans parler du coût environnemental lorsque ce sont des centrales fossiles qui tournent inutilement.
En 2024, on estime qu’à l’échelle de sept pays européens (dont la France, l’Allemagne, la Pologne ou le Royaume-Uni), 7,2 milliards d’euros d’indemnités ont été versés pour compenser des producteurs renouvelables contraints de réduire leur production à cause de congestions réseau et de prix négatifs.
Ce chiffre impressionnant illustre bien le gaspillage à grande échelle engendré par une inadéquation entre capacités de production verte et infrastructures/gestion de la demande.
Paradoxe : au lieu de valoriser au mieux une électricité bas-carbone abondante, le système en vient à payer soit des producteurs pour qu’ils ne produisent pas, soit des consommateurs pour qu’ils consomment plus, traduisant une inefficience économique globale.
Ce signal de dysfonctionnement incite les pouvoirs publics et les acteurs du marché à adapter les règles du jeu afin de mieux utiliser l’outil de production existant.
Producteurs d’électricité
Les prix négatifs entraînent des pertes financières et fragilisent la rentabilité des centrales pilotables.
Renouvelables subventionnés
Les producteurs sous contrat garanti restent protégés, mais leur rémunération en période de prix négatifs représente un coût pour la collectivité.
Industriels flexibles
Les industriels capables d’adapter leur consommation profitent des prix négatifs en augmentant leur demande et en générant des revenus.
Marché global
La multiplication des prix négatifs accroît la volatilité et la complexité de gestion pour l’ensemble du marché électrique.
Opportunités pour les opérateurs de recharge de véhicules électriques
Les opérateurs de recharge de véhicules électriques (VE) – tels que les utilisateurs de la plateforme de supervision Virta – se trouvent à face à une opportunité formidable : cette situation leur permet d’optimiser les coûts d’énergie et de contribuer à la stabilité du système électrique.
Première opportunité : le pilotage intelligent de la charge
Les bornes de recharge et les véhicules connectés offrent la possibilité de moduler en temps réel la puissance de charge en fonction des conditions du réseau et des signaux de prix.
En intégrant les signaux de prix spot dans la plateforme, les opérateurs peuvent programmer ou inciter les recharges à avoir lieu pendant les créneaux à prix très bas ou négatifs, typiquement en milieu de journée quand l’excédent renouvelable tire les prix vers le plancher.
Cela signifie que les électromobilistes pourraient recharger leur voiture à très faible coût.
Pour l’opérateur, s’approvisionner en électricité durant ces heures permet de minimiser ses coûts d’achat d’énergie, améliorant sa marge ou lui permettant d’offrir des tarifs plus attractifs aux usagers.
Cette stratégie de smart charging est d’autant plus prometteuse que nombre de véhicules restent immobiles plusieurs heures en journée (sur le parking d’une entreprise, d’un centre commercial, etc.), offrant une flexibilité naturelle pour décaler la charge.
Ainsi, un parc de bornes bien géré pourrait servir de « tampon » absorbant l’énergie excédentaire solaire lors des pics de midi.
Cela soulage le réseau tout en réduisant le coût du kilomètre électrique pour l’usager – une équation gagnant-gagnant.

Seconde opportunité : de nouveaux services et modèles économiques
Les périodes de prix négatifs ouvrent la voie à de nouveaux services pour les opérateurs de recharge. Par exemple, ils peuvent mettre en place des offres promotionnelles ou des tarifs dynamiques invitant explicitement les conducteurs à recharger lors des fenêtres à électricité abondante et bon marché.
On peut imaginer des abonnements où la recharge est gratuite (ou rémunérée en crédits) sur certains créneaux horaires verts, compensés par des tarifs normaux aux autres moments.
De plus, en agrégeant des milliers de points de charge, un opérateur peut se positionner en acteur de flexibilité auprès du gestionnaire de réseau ou sur les marchés d’ajustement : en orchestrant à la hausse ou à la baisse la consommation de son parc de véhicules électriques, il contribue à l’équilibrage global.
À l’horizon, le vehicle-to-grid (V2G) – la technologie permettant aux batteries des voitures de réinjecter du courant sur le réseau – pourrait enrichir encore l'offre.
En période de prix négatifs, on « remplit » les batteries des véhicules, puis lors des pics de prix (et de demande) on restitue une partie de l’électricité au réseau ou au bâtiment, moyennant rémunération. Ces scénarios transforment les flottes de VE en réservoirs d’énergie distribués, améliorant la rentabilité des bornes de recharge tout en rendant service au système électrique.
Pendant les périodes de prix négatifs, l’électricité est stockée dans les batteries des véhicules et restituée partiellement lors des pics de demande et de prix.
L’importance du pilotage intelligent
La contrainte pour les opérateurs de recharge est cependant de s'équiper d'une infrastructure logicielle avancée pour profiter des opportunités des prix négatifs. Il faut des algorithmes prédictifs capables d’anticiper les créneaux de prix bas (via les prévisions météo, de consommation, etc.) et de piloter finement chaque point de charge en fonction des besoins des utilisateurs et des contraintes réseau.
Si un opérateur s’approvisionne massivement en heure creuse solaire en misant sur un prix négatif qui finalement ne se matérialise pas (par exemple à cause d’un orage soudain réduisant la production solaire), il pourrait se retrouver à payer l’énergie plus cher que prévu.
Qu'en est-il du client final ?
Les tarifs réglementés de détail et les abonnements forfaitaires actuels atténuent l’impact direct des prix négatifs pour les usagers finaux – un particulier branché sur une borne publique paye généralement un tarif fixe par kWh, indépendamment des fluctuations du marché de gros.
Tant que ces tarifs dynamiques ne sont pas plus répandus côté utilisateur, l’avantage des prix négatifs bénéficie surtout à l’opérateur (sous forme de réduction de ses coûts d’achat d’électricité) plutôt qu’à l’automobiliste.
Néanmoins, la tendance européenne est à l’essor des offres à tarification variable selon les heures, ce qui finira par se répercuter aussi sur la recharge.
Les acteurs de la recharge ont beaucoup à gagner d’un système électrique plus flexible et piloté – à condition d’investir dans les bons outils et de repenser certaines habitudes de consommation.
Perspectives à moyen terme : régulation, stockage et réseaux intelligents
L’augmentation rapide des heures à prix négatif n’est pas un épiphénomène aléatoire, mais le symptôme d’une transition énergétique en marche.
À moyen terme, plusieurs leviers et évolutions sont envisagés pour en atténuer les effets pervers tout en tirant parti de ses enseignements.
Modification du cadre législatif
Du côté de la régulation du marché, des ajustements sont déjà en cours.
La CRE, constatant la montée en fréquence des prix négatifs depuis 2023, a formulé dès fin 2024 une série de recommandations pour mieux encadrer les installations renouvelables subventionnées. L’idée phare est d’inciter fortement à l’arrêt de production lors des heures à prix négatif pour les unités éoliennes et solaires sous soutien public.
Concrètement, cela passe par l’amendement des contrats d’achat historique : plutôt que de continuer à rémunérer une ferme éolienne au tarif garanti alors que le marché est négatif, le régulateur souhaite introduire des clauses pour suspendre le soutien et arrêter la production dans ces cas-là.
Ce changement viserait plus de la moitié des 69 GW de capacités renouvelables installées en France, en priorité les grands parcs récents (notamment les premiers parcs éoliens en mer).
Cette préconisation est d’ailleurs en voie de concrétisation : en juin 2025, le gouvernement a annoncé que les parcs éoliens offshore de Saint-Nazaire, Fécamp et Saint-Brieuc ont signé un avenant à leur contrat, permettant de stopper tout ou partie de leur production en période de prix négatifs.
L’objectif affiché est de « limiter l’impact sur les finances publiques » : on évite ainsi de subventionner une production inutile et on réduit la saturation du réseau lors des creux de consommation.
Parallèlement, la CRE préconise de renforcer les mécanismes d’incitation à la flexibilité pour l’ensemble des acteurs, y compris ceux bénéficiant d’un complément de rémunération, et d’abaisser les seuils de puissance au-delà desquels les installations sont tenues de se déconnecter en cas de prix négatif (descendre par exemple à 200 kW, contre des seuils bien plus hauts initialement).
Ces mesures réglementaires visent à ramener les prix fortement négatifs vers des niveaux plus proches du coût marginal des ENR, en évitant les situations de surproduction prolongée.

Solutions technologiques
Du côté des solutions technologiques et systémiques, le maître-mot est la flexibilité.
Il s’agit d’introduire davantage de capacités capables d’absorber ou de fournir de l’électricité en fonction des besoins en temps réel.
Le développement du stockage d’énergie apparaît crucial à moyen terme. En plus des véhicules électriques, des investissements accrus sont attendus dans les batteries de grande capacité et les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) afin de stocker l’électricité excédentaire lorsque les prix sont bas puis de la restituer aux heures de pointe.
Ces technologies agissent comme des tampons pour lisser l’offre sur le réseau et éviter de gaspiller les électrons verts en trop.
En parallèle, se développe l’effacement et la modulation de la demande (demand response). Cela passe par une généralisation des réseaux intelligents (smart grids) et des signaux tarifaires adaptés pour encourager les consommateurs –particuliers comme professionnels – à déplacer certaines consommations hors des pics traditionnels vers les périodes d’abondance. Par exemple, plusieurs acteurs suggèrent d’instaurer de nouvelles “heures creuses” durant les heures solaires de la journée. Une telle mesure tarifaire incitative inciterait à lancer les appareils électriques, la recharge de VE à la mi-journée plutôt qu’en pleine soirée.
Couplée à des technologies de pilotage automatisé (domotique, IoT industriel), cette approche pourrait significativement rééquilibrer le profil de la demande en absorbant les surplus renouvelables.
Coordination européenne
Enfin, une coordination européenne renforcée fait partie des améliorations indispensables.
Les interconnexions actuelles jouent déjà un rôle d’amortisseur en exportant une partie des excédents français vers les pays voisins lors des épisodes négatifs, ce qui limite la chute des prix. À l’avenir, le renforcement des capacités d’échange transfrontalières et une meilleure synchronisation des marchés pourraient atténuer les écarts extrêmes – par exemple en expédiant les surplus vers des systèmes moins saturés.
De plus, l’amélioration des outils de prévision et d’équilibrage en temps réel sera un atout : en dotant les opérateurs de réseau et les producteurs renouvelables de moyens de prévision fine (via l’IA, les données météo, etc.) et en intégrant pleinement les énergies vertes aux mécanismes d’ajustement, on pourra anticiper et éviter bien des situations de surproduction subite.
L’ensemble de ces évolutions
- modernisation des infrastructures
- adaptation des règles de soutien aux ENR
- déploiement du stockage et de la flexibilité
constitue la réponse structurelle au défi des prix négatifs.
Ce phénomène traduit une tension structurelle entre l’essor rapide des énergies renouvelables et l’inertie des cadres de soutien et d’exploitation.
La transition énergétique impose de réinventer l’équilibre offre-demande : à court terme, cela passe par quelques ajustements pour juguler les effets indésirables (pertes financières, inefficacité), et à moyen terme, par la construction d’un système électrique plus souple, réactif et intégré.
Avec de la régulation intelligente, des innovations techniques (stockage, smart grids) et l’engagement de tous les acteurs (producteurs, consommateurs, opérateurs de recharge, etc.), les prix négatifs deviendront une opportunité maîtrisée au service d’un mix électrique décarboné et équilibré.
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